La main suivante n'a pas pour but de décrire un nième bad beat (je sais qu'il n'a rien d'original), mais plutôt d'insister sur une autre qualité indispensable à une table de poker, en plus de la patience : la capacité d'adaptation. Il s'agit de la main qui m'élimine d'un tournoi à 30€ avec rebuys à Concorde il y a déjà un petit moment. Donc pas de suspense non plus...
Je suis à une table de merde. Pourquoi? La plupart des joueurs de tournoi seront d'accord avec moi, il est plus facile de jouer contre des bons joueurs, plus "prévisibles" en moyenne, y compris dans leurs bluffs et leurs réactions à mes bluffs, que contre des vrais débutants. Et ma table de départ est étonnante de ce point de vue : d'un côté, deux très bons joueurs dont un scandinave qui vient de perdre un tournoi de l'EFOP à l'ACF non loin de la table finale (ne me demandez pas ce qu'il fout dans un tournoi à 30€ après ça), et de l'autre côté, ou plutôt juste à ma droite, un beau parleur qui fait un peu n'importe quoi. D'ailleurs, je me surprends à penser qu'il fait peut-être son cinéma exprès et qu'en fait il est très bon lui aussi... mais non. Il est super loose et touche quelques flops qui lui permettent de ne pas rebuyer pendant une heure, et il me vole quelques pots au passage. Même si je ne paye pas, il me fait même l'honneur de me montrer ses cartes, respect.
Du coup, j'attends patiemment mon tour et après avoir pris l'add-on, je suis en-dessous de la moyenne, autour de 800 sur des blindes 40-80. Je sens mon voisin de droite qui commence à s'impatienter, il ne tient pas en place. Je paye utg+2 avec A7 (ouh... c'est mal) parce qu'il a payé lui aussi (ouh... c'est très mal, ici c'est relance ou fold). Et on est 4 à voir le flop 997. Mon voisin de droite parle le premier et fait 300. Je sens qu'il ne peut pas s'en empêcher et que ça pue le continuation bet à plein nez. Je regarde quand même vers ma gauche et je vois que notre ami scandinave est désespéré. Il vient de se faire voler un pot de malade par un autre fish, qui paye ses relances monstrueuses jusqu'à la river pour découvrir une couleur backdoor grâce à son 79 dépareillé, contre les deux les paires max en face. Bref, je sens qu'il va attendre un peu lui aussi avant de se frotter à des adversaires aussi imprévisibles et subtils. Je décide de pousser mes jetons au milieu en espérant ne pas tomber contre un 9 égaré. Tout le monde fold jusqu'au gambler fou qui commence à réfléchir. Pour moi, c'est bon signe, il n'a évidemment pas le 9, ni une over pair, auquel cas il aurait payé debout sur la table. Au bout de quelques secondes, il finit quand même par payer mon tapis et retourne, tenez-vous bien, QK !!! Oh My God. Je sens alors instantanément que l'audace va payer et effectivement, une dame tombe sur la river, ce qui m'élimine du tournoi.
Je me retiens -vraiment- de dire une connerie avant de partir, mais je me contente d'encourager le scandinave qui m'est définitivement sympathique et qui compatit à ma douleur. Tobias m'appelle une heure après pour me dire que le big fish est sorti, non sans avoir fait souffrir sa table encore un peu. Il y a une justice?
A partir de là, 2 idées pour éviter ce genre de situation dans ces tournois. La première serait de redoubler de prudence et de fuir les confrontations avec les joueurs identifiés comme faibles/fishs/chattards, parfois camouflés derrière l'appellation "créatifs". Le problème, c'est qu'on n'est pas non plus dans des tournois deep stacks et qu'on risque alors de tomber dans d'autres travers (de porc, bien sûr) : perte de confiance, image dégradée à la table, difficulté à voler, tilts contre d'autres (bons) joueurs, etc. Deuxième idée, jouer le jeu de ces galinettes cendrées dès le début et les agresser plus que de raison, surtout pendant la période de rebuy. Si par bonheur quelques coin flips passent et ça les calme, on les entend souvent moins par la suite. Comme il se doit, la vérité doit être ailleurs, certainement entre les deux, mais je suis preneur de toute idée lumineuse qui me permettrait de ne pas rentrer broucouille la prochaine fois.
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